Saïd Hadouche associé à un projet de prospection à l'échelle maghrébine: «Constituer des réservoirs de talents»

Présent à Tiaret, où il a donné une intéressante communication sur les mutations du football dans le monde, Saïd Hadouche, expert en football et conseiller auprès de la Fédération royale de football de Belgique, a bien voulu répondre aux questions du Quotidien d'Oran.



Le Quotidien d'Oran : Le football national est plongé dans une atmosphère le moins que l'on puisse dire des plus viciées. Pour quelle raison selon vous ?

Saïd Hadouche : Parce que tout simplement on ne s'est jamais intéressé au jeu, et c'est justement le jeu qui est piégé dans lequel notre football est pris depuis des années. Aujourd'hui, partout dans le monde, le football connaît une mutation très profonde et il est urgent pour nous de nous remettre en cause au plus vite. Le football moderne exige un joueur intelligent sur le terrain, un coaching des plus élaborés est ce qui manque à notre football. Un joueur intelligent est celui qui connaît tous les principes de jeu et se comporte en conséquence sur le terrain sous le contrôle d'un entraîneur qui ressemble, aujourd'hui, à un producteur qui met en scène un scénario avec plusieurs variantes de jeu et donc de chances de succès. L'intelligence collective des joueurs sur un terrain de football, la collaboration et l'interaction entre eux est, de nos jours, une préoccupation de tous les teams performants partout dans la planète football.



Q.O.: Outre le marasme que connaît notre football, des suspicions, voire des accusations de corruption ont émaillé le championnat cette saison, pourquoi selon vous l'on est descendu si bas pour récolter si peu ?

S.H.: Parce qu'aujourd'hui malheureusement, quand on n'est pas sécurisé, quand on ne sait pas gagner par le travail, on n'a pas d'autre choix que de tricher et c'est le cas en Algérie, ça ne sert à rien de cacher le soleil avec un tamis. La corruption est aujourd'hui un mal généralisé dans la société actuelle, même en Europe, des cas concrets de corruption existent. Il faut dire aussi que la pression du public, des médias et des sponsors est pour beaucoup dans la tentation de corruption qui piège de nombreux clubs qui veulent gagner par n'importe quel moyen. Je crois qu'on a besoin d'une révolution pour sauver notre football de tous les maux qui le rongent.



Q.O.: Qu'est-ce qui manque, selon vous, à notre football pour qu'il recouvre un statut digne d'un pays comme l'Algérie ?

S.H.: A mon avis, ce n'est pas un problème de personne, c'est une question qui concerne tout l'appareil de l'Etat, en ce sens que notre pays doit impérativement entrer en compétition avec les grandes nations pour s'imprégner davantage de la culture footbalistique d'aujourd'hui. Je crois que nous sommes dans une logique qui va à l'encontre de ce qui se fait dans d'autres pays, d'où l'urgence d'une mise à niveau de notre football par la formation des jeunes notamment. Nous avons besoin d'une direction technique nationale engagée de pied ferme dans le domaine de la recherche, l'observation et l'analyse, condition sine qua non pour une renaissance de notre football. En un mot, la stratégie, c'est de s'inscrire dans une approche qui doit préparer des jeunes de 15 ans pour en faire des joueurs d'élite dans une dizaine d'années.



Q.O.: Vous êtes un expert en football connu et reconnu partout dans le monde. Qu'est-ce qui vous empêche justement d'apporter votre savoir à un pays, le vôtre, qui en a tant besoin ?

S.H.: Même si une hirondelle ne fait jamais le printemps, sachez que je suis prêt à aider mon pays à chaque fois que l'on aura besoin de moi. Mais parce que j'ai dû déranger des personnes pour le bien de notre ballon rond, que ma présence en Algérie n'est peut-être pas appréciée par tous. Je me suis personnellement investi dans le renouveau de notre football national, mais je sais que je ne suis pas apprécié pour tout ce que je dis ou je fais dans un pays qui est, avant tout, le mien et sa réussite au plan sportif demeure mon souhait le plus cher. Je continue à dire que je ne suis pas un tricheur, mais je demeure fidèle à mes principes et à mon pays quoi que ça me coûte.



Q.O.: Pour terminer cet entretien, quel est l'objet de votre présence à Tiaret ?

S.H.: Je suis ici dans le cadre d'une grande opération de promotion des jeunes talents, une opération sponsorisée par une société marocaine et intitulée «soulier d'or». L'on a fait appel à moi pour élargir l'expérience à tous les pays du Grand Maghreb pour la détection de jeunes talents âgés de moins de 17 ans et non structurés dans des clubs. Cela va se passer à Sougueur et nous comptons utiliser le concept de la télévision pour arriver à susciter l'intérêt des jeunes des villages et douars autour de cette opération de promotion du football. L'année prochaine, une sélection nationale sera effectuée pour élargir l'opération à toutes les wilayas du pays. Une sélection de quarante joueurs issus des cinq pays maghrébins sera ensuite effectuée pour suivre un stage bloqué de huit semaines, au niveau de la ville de Casablanca, avant une autre sélection plus poussée des quinze meilleurs joueurs à l'échelle maghrébine qui partiront embrasser une carrière professionnelle au niveau du club de football professionnel du Havre en France. Mais notre objectif principal reste celui de créer un « soulier d'or maghrébin » pour les joueurs non licenciés avec, pour finalité, constituer des réservoirs de talents aussi bien pour les équipes locales que des différents championnats européens.

QO